Le véritable sens du Tafwid

— Cheikh Al Azhari —

Quelle est la signification du tafwid (remettre le sens des termes à Allah) à propos duquel nous discutons ?

Certains frères débattent avec nous en partant du principe que la signification du tafwid est que les termes (alfaz) de ces attributs portent des significations non compréhensibles, que l’on ne peut rien en comprendre et qu’ils sont du même ordre que les lettres “ Kaf Ha Ya `Ayn Sad ”, “ Ha Mim ”, etc. Donc en réponse à ceci, je dis : Ô Allah, je m’innocente auprès de Toi et me désavoue de ces paroles et de cette voie délaissée par les savants !

Certains parmi eux affirment que le tafwid auquel nous adhérons est que ces attributs ont des significations, cependant celles-ci sortent du cadre de la langue arabe. Et personne ne les connaît si ce n’est Allah, l’Exalté. Ô Allah, je m’innocente auprès de Toi et me désavoue de ces paroles !

Certains parmi eux nous confrontent sur l’opinion du Tawaqquf et c’est une toute autre position, différente du tafwid. Pour résumer, selon cet avis ces expressions ne sont pas qualifiées d’attributs ou autre que des attributs.

Maintenant, détailler la fausseté de ces positions prendrait trop de temps et cela n’est pas nécessaire car il ne s’agit pas de notre sujet de discussion ; je voudrais simplement que ces gens comprennent le sens que nous donnons au tafwid.

Quelle est la signification de Tafwid ?

Ibn al-‘Arabi a mentionné que le mot Istiwa’ a quinze significations – dont certaines sont littérales et d’autres figurées. De même, Ibn Hajar a mentionné qu’il y a vingt-cinq significations pour le mot Yad – dont certaines sont littérales et d’autres figurées. Et il a été dit la même chose de chaque attribut. Maintenant, la signification de chaque terme diffère : premièrement en fonction de ce à quoi il est attribué; et deuxièmement, selon le contexte.

Qu’en est-il de la personne qui s’engage dans l’interprétation (Ta’wil) ?

En résumé : Le mu’awwil (1) spécifie un sens particulier parmi les nombreuses significations ; et généralement cette spécification se base sur une preuve discutable (dalil zanni), bien que parfois elle puisse se baser sur une preuve indiscutable (dalil qat`i). Par exemple, pour ce dernier, interpréter « proximité » (ma`iyya) par « proximité » des attributs uniquement, et interpréter « dans » (fi) – qui est un adverbe – par « sur/au-dessus » (`ala), etc.

Quant à l’interprétation discutable (zanni), elle doit avoir une preuve dans la langue et dans la Loi Sacrée (Shari`ah), sinon elle sera considérée comme une falsification (tahrif)] – et c’est sur cela que se basent les savants vérificateurs qui ont rejeté le fait d’interpréter Istiwa’ par Istila’ [dominer] ! Donc si le mu’awwil se base sur une preuve discutable, le mufawwid refusera de le faire, cherchant ainsi à se protéger de l’erreur. De plus, c’est ce que le mu’awwil réaffirme parfois à la fin de sa vie [c’est à dire le tafwid] – comme Al-Razi, al Juwayni, et d‘autres.

Qu’en est-il de la personne qui adopte le tafwid ?

En résumé : ce qui se base sur une preuve indiscutable (dalil qat`i), le mufawwid (2) l’affirmera comme dans les deux exemples susmentionnés ; et ce qui se base sur une preuve discutable (dalil zanni) il s’abstiendra de lui spécifier une signification particulière parmi les différentes significations de ce terme. En même temps, il reniera toute interprétation qui implique une ressemblance entre Allah et Sa création ou inversement.

Donc selon cette brève explication, le moufawwid ne sortira pas des sens linguistiques de Yad et Istiwa’, on ne peut donc pas dire de lui qu’il ne sait pas différencier le ghadab [colère] de la rahma [miséricorde] et le farah [joie] de al `ajab [stupeur].

Les frères ont-ils compris notre méthodologie ? Je l’espère !

Il n’y a pas de troisième méthodologie en dehors ces deux-là, exceptée la position de certains selon laquelle ils déclarent que la signification est connue même s‘ils ne l’expriment pas clairement, alors qu’en réalité soit ils spécifient à ces termes des sens linguistiques [parmi ceux existants], soit ils ne le font pas. S‘ils spécifient, alors ils sont de ceux qui font le ta’wil par des preuves indiscutables ou discutables, autrement ils sont de ceux qui font le tafwid (mufawwidoun).

Quelle est le sens que nous connaissons et le sens que nous remettons [à Allah] (tafwid) ?

Nous avons indiqué plus tôt que chaque terme possède un certain nombre de significations connues et que l’une de ces significations est spécifiée soit par le contexte soit par ce à quoi il est annexé. Nous avons dit que nous connaissons le sens linguistique du terme avant de l’attribuer à l’annexé. Par exemple, Yad possède vingt-cinq significations et Istiwa’ en possède quinze. Cependant, après l’annexion, une ou plusieurs des significations du terme doivent être spécifiées – et pourtant nous savons avec certitude qu’un mot [dans un contexte ou après annexion] ne peut englober chaque signification qu’on lui donne lorsqu’il est isolé.

Je sais que ceci peut être un peu difficile à comprendre pour des non spécialistes, mais je vais clarifier cela dans le cadre de l’explication de ce que visait l’Imam Malik en disant que la signification de Istiwa’ est connue (ma`lum).

En effet, la signification de “ Istiwa’ ” est connue quand il n’est pas annexé à Allah, Exalté-soit-Il, ou à n’importe qui d’autre. Il possède, comme l’ont souligné les savants de la langue arabe, 15 significations ; cependant, lorsqu’on l’annexe à Allah taala, il faut spécifier un ou plusieurs sens (selon le contexte) parmi ses nombreux sens.

Par exemple, le terme “ Nuzul ” possède un certain nombre de significations, comme le déplacement d’un endroit élevé vers un endroit moins élevé, la chute d’une position élevée vers une plus basse, entrer dans, déclin (baisse de valeur) ainsi que d’autres sens tant littéraux que métaphoriques mentionnés dans les lexiques. Le mufawwid élimine donc les sens qui sont impossibles à attribuer à Allah, Exalté soit-Il, et ne se prononce pas au sujet de ceux qui sont possibles à Son sujet. Il ne désigne pas un de ces sens, le Nuzul reste Nuzul tout simplement. Quant aux frères, ils ont voulu prendre la responsabilité de spécifier une ou plusieurs significations parmi celles existantes, mais ils s’en sont finalement retrouvés incapables.

Conclusion :

Le “sens connu” correspond à la signification qui est indépendante d’une annexion (ou la signification d’un mot avant annexion). C’est donc ceci qui a été dit « connu » (ma`lum).
Concernant le sens sur lequel il est obligatoire de faire le tawfid, c’est le sens du terme après son annexion à Allah et c’est seulement à ce moment qu’on peut parler d’attribut (Sifat). Pourquoi cela ? Parce que la spécification d’une signification d’un terme parmi plusieurs s’arrête à la connaissance de la modalité, et il n’y a aucun façon de la connaître.

Cette explication simplifiée a pour vocation d’ initier au tafwid ceux qui en parlent. Nous tenions à éclaircir cela car les frères qui attaquent le tafwid en réalité ne savent pas de quoi il s’agit. Nous avons remarqué cela à travers leurs paroles. Et je dirais même plus que cela : ils ne savent pas ce sur quoi il faut faire le tafwid et ce qu’il faut connaître. Ainsi, ils ne connaissent pas leur propre méthodologie. Et ceci est surprenant ! Il sont de ceux qui font le tafwid malgré eux, même s’ils s’obstinent à le nier. Leur confusion et leur contradiction dans leurs attaques sur le tafwid en sont des preuves : ils essaient parfois, par tous les moyens, de connaître le sens de “Yad Allah” ou “Ghadab Allah” et ce qui est semblable parmi les attributs en prétendant qu’il s’agit d’attributs de l’Essence (Sifa dhâtiya) ou d’Action (fi`liya) avec lesquelles Allah ferait telle ou telle chose , etc. et il ne s’agit pas d’une définition linguistique, c’est d’ailleurs ce que dit le mufawwid également tout comme certains parmi eux qui disent “al Yad” signifie “al Yad” !!


(1)  Celui qui s’engage dans l’interprétation (ta’wil)

(2)  Celui qui remet le sens des termes à Allah (tafwid)


Source : Aslein.net