La prière de tarâwîh pendant Ramadan

~ Selon l’école Malikite ~

Introduction

Le Prophète ﷺ a dit : Celui qui prie [la nuit] durant ramadan avec foi et en espérant la récompense, ses péchés précédents sont pardonnés”.1

L’imam an-Nawawi a dit dans son commentaire du sahîh de l’imam Muslim : “avec foi (إِيمَانًا)” signifie en croyant avec certitude en ses bienfaits et “en espérant la récompense (احْتِسَابًا )” signifie en désirant Allâh Seul, et non de se faire voir des gens ni rien de ce qui s’oppose à la sincérité (ikhlâs). Quant à sa parole, “prier la nuit de ramadan (قِيَامِ رَمَضَانَ)” : ce qui est voulu est la prière de tarâwîh.

Définition et Histoire

La prière de tarâwîh : Il s’agit des prières accomplies durant les nuits de ramadân, à la mosquée ou non, après la prière d’al-‘ichâ’. On les appelle ainsi car on se repose (tarwiha) toutes les 4 rak‘ât. Tarâwih est le pluriel de tarwiha. Il est aussi affirmé que chaque groupe de 4 rak‘ât est appelé tarwîha.

As-Sayyida ‘Aicha (رضي الله عنها) a rapporté que le Prophète ﷺ pria une nuit dans la mosquée et des gens ont prié derrière lui. Il pria la nuit suivante également et il y eu plus de monde. Puis ils se sont réunis la troisième ou la quatrième nuit et le Messager d’Allah ﷺ ne leur est pas sorti. Dans la matinée, il dit : « J’ai vu ce que vous faisiez et rien ne m’a empêché de vous rejoindre si ce n’est la crainte qu’elle vous soit rendue obligatoire« . Elle [as-Sayyida ‘Aicha (رضي الله عنها)] a dit : “Cela s’est produit pendant le Ramadan.”2

Les gens, depuis la période du Prophète ﷺ ont continué à prier tarawîh seuls et par groupes séparés jusqu’à la période du califat de ‘Umar b. al-Khattâb (رضي الله عنه). C’est lui qui les a réuni derrière un imam unique.

‘Abderrahman b. al-Qârî dit : “Je me rendis avec ‘Umar une nuit de ramadan à la mosquée. Les gens étaient en train d’y accomplir la prière de nuit de façon séparée : un homme priait seul, un autre guidait la prière d’un petit groupe. ‘Umar dit alors : « Je pense que si je réunissais ces gens sous la direction d’un seul récitateur, ce serait mieux ».  Il se décida et les réunit sous la direction de Ubayy b. Ka‘b. Je sortis une autre fois en sa compagnie et les gens accomplissaient la prière sous la direction de leur imam , il dit alors : « Quelle bonne innovation que celle-ci mais le moment durant lequel vous dormez est néanmoins meilleur que celui que vous priez ». Il voulait parler de la fin de la nuit alors que les gens priaient en son début.3

Al-Hattâb a dit dans commentaire du mukhtasar de l’imam Khalîl : “Si quelqu’un affirme que le Prophète ﷺ a guidé leur prière avant de la délaisser, alors comment les rassembler pourrait être une innovation ? On lui répond que le Prophète ﷺ l’a fait mais qu’ensuite il l’a délaissé et son délaissement est une sunnah et le fait des les rassembler après cela est une innovation louable.

Et ceci n’est en aucun cas quelque chose de blâmable que de réunir les musulmans comme l’a fait sayyiduna ‘Umar et d’instaurer la pratique à 23 rak‘ât, ni même une opposition à la pratique du Prophète ﷺ qui a ordonné aux musulmans de s’attacher à sa sunnah et celle des califes bien guidés. Il dit en effet “Suivez ma sunnah et celles des califes bien guidés4

De plus, sayyiduna ‘Umar raa les a rassemblé derrière sayyiduna Ubay conformément à la parole du prophète ﷺ “Le plus connaisseur du livre d’Allah est Ubay b. Ka‘b”.5

Son statut

La prière de tarâwîh fait l’objet d’une recommandation (mandûb). En effet, l’imam ad-Dardîr dit dans son commentaire du mukhtasar de l’imam Khalîl : “Il est recommandé (mandûb) de prier [….] et cette recommandation est appuyée pour tarâwîh.” L’imam an-Nawawi a dit : “Les savants se sont accordés au sujet de sa recommandation”.

Son temps

Son temps d’accomplissement est le même que le temps du witr. Il commence donc après al-‘ichâ véritable et s’étend jusqu’à l’entrée du temps de sobh. En effet, l’imam ad-Dardîr dit dans son commentaire du mukhtasar de l’imam Khalîl : “son temps d’accomplissement est identique à celui du witr”.

Se prie t-elle à la mosquée ou chez soi ?

Il est recommandé de la prier en groupe. Cependant, les savants malikites affirment qu’il est préférable de la prier chez soi afin de se prémunir de l’ostentation conformément à la parole du Prophète ﷺ “La meilleure prière est celle accomplie dans sa maison excepté pour celle qui est obligatoire.6. En effet, l’Imam ad-Dardîr a dit : “Il est également recommandé de le prier de manière isolée c’est-à-dire dans nos maisons même si c’est en groupe tant que cela n’empêche pas son accomplissement dans les mosquées. Cette recommandation tient même s’il [le fidèle] l’accomplit seul et cela tant ’il est assidu chez lui

Les savants ont dit que le fait de la prier chez soi est mieux tant qu’il n’y a pas de risque que les mosquées se vident de l’accomplissement de cette prière et que l’on ne soit pas fainéant au point de la délaisser.

Al-Abî al-Azhari dit dans son commentaire de la rissalah d’Ibn Abî Zayd : “Et celui qui le souhaite, qu’il prie chez-lui : cela est meilleur pour celui dont l’intention (ardeur) s’active par elle-même et qui n’est pas fainéant […] certains ont aussi conditionné cela au fait que les mosquées ne se vident pas.”

L’imam an-Nawawi a dit : “Les savants ont divergé au sujet de s’il est préférable de la prier seul chez soi ou en groupe à la mosquée. Ash-Shâfi‘i ainsi que la majorité des mujtahidin dans l’école [Shafiite], Abû Hanîfa, Ahmed, quelques Malikites et d’autres ont dit que le mieux est de la prier en groupe comme comme l’ont fait [Sayyidunâ] ‘Umar b. al-Khattâb et les Compagnons (رضي الله عنهم) et la pratique des musulmans a continué sur cela car cela fait partie des offices visibles semblables à la prière d’al-‘îd. Quant à Mâlik, Abû Yûsuf, certains Shafi‘ites ainsi que d’autres, ils ont dit qu’il est préférable de la faire isolément à la maison selon sa parole ﷺ : La meilleure prière est celle accomplie dans sa maison excepté pour celle qui est obligatoire.

Comment la prier ? 

Nombre de rak’at 

En somme, il n’y a pas de nombre de rak‘ât déterminé pour la prière de tarâwîh. Tarâwîh se prie par des successions de prières de 2 rak‘ât. Elle se priait à l’époque de ‘Umar b. al Khattâb et des Compagnons (sahâba) en 23 rak‘ât (chaf‘ et witr inclus).

L’imam ad-Dardîr dit : “Elle se compose de 23 rak‘ât en comptant ach-Chaf‘ et al-Witr comme cela était pratiqué et elle fut augmentée à l’époque de ‘Omar b. Abdel‘azîz  à 36 rak‘ât sans le chaf‘ et le witr mais ce qui fut pratiqué par les salaf et les khalaf est la première pratique.

Quant à l’imam al-Hattâb, il affirme : “Elle fut ensuite augmentée à 39 rak’ât7, et Mâlik a réprouvé (makrûh) qu’elle soit réduite à moins que cela.

En effet, il est rapporté dans la mudawwana de Sahnûn : “Mâlik a dit : L’émir me fit parvenir qu’il souhaitait diminuer la prière (qiyâm) de ramadân que les gens accomplissaient à Médine. Ibn al-Qassim dit : il s’agissait de 39 rak‘at avec le witr soit 36 rak‘at et 3 pour le witr. Mâlik a dit je lui ai défendu de diminuer la moindre chose et je lui dis : C’est ce sur quoi j’ai trouvé les gens et c’est la pratique ancienne sur laquelle les gens sont encore aujourd’hui.

Il est rapporté qu’à l’époque du Calife ‘Umar b. Abdel‘azîz, les Mecquois priaient 23 rak‘ât comme c’était le cas à l’époque du califat de ‘Umar b. al-Khattâb qui avait innové le rassemblement des musulmans pour la prière du tarâwîh. Les Médinois, remarquant que les Mecquois tous les 4 rak‘ât accomplissaient le tawâf autour de la ka‘bah  et désirant les concurrencer dans la récompense sont allés trouvés ‘Umar b. Abdel‘azîz qui leur dit d’accomplir alors 4 rak‘ât en remplacement du tawâf que les Mecquois accomplissaient. Ainsi, les Médinois se mirent à prier 36 rak‘ât sans le chaf‘ et le witr (39 avec) et cette pratique perdura jusqu’à l’époque de l’imam Mâlik qui trouva les Médinois priant 36 rak‘ât.8

Généralement, les mosquées en France la prient en 13 rak‘ât (chaf‘ et witr inclus) mais d’autres fonctionnent sur un autre système.

Ce qu’on récite

Il est recommandé à l’imam d’accomplir une lecture complète du Coran durant le mois de ramadan.

L’imam ad-Dardîr dit : “Il est recommandé à l’Imam de réciter le Coran en entier durant le mois de ramadan afin de le faire écouter entièrement aux fidèles et une sourate suffit pour le mois entier même si c’est khilâf al-awlâ (contraire à ce qui est le mieux).”9

Période de confinement 

Étant donné la situation exceptionnelle que vit le monde actuellement avec l’épidémie qui se répand et la fermeture des mosquées, les fidèles prieront donc tarâwîh chez eux en famille.

Celui qui ne connaît que quelques sourates pourra se contenter de les réciter en boucles. Par exemple, celui qui ne connaît que sourate al-ikhlâs pourra la réciter 5-10-15 fois.

Peut-on prier en suivant depuis le Mushaf ?

Il est permis de lire depuis le Mushaf si on commence la prière ainsi à condition de limiter les mouvements au maximum. Le mieux est d’utiliser un pupitre et de ne bouger la main que pour tourner la page avec le minimum de mouvements possibles. Il sera makruh si on a commencé la prière sans Mushaf de commencer à lire depuis celui-ci pendant la prière. Évidemment, on ne posera pas le mushaf par terre.

L’imam ‘Illich commentant le mukhtasar de l’imam Khalîl dit: “Il est makrûh de lire depuis le Mushaf dans une prière obligatoire que ce soit dès le début de la prière ou pendant celle-ci. De même, cela est makrûh pendant la prière surérogatoire en raison de la préoccupation (les mouvements) que cela implique. En revanche, ce n’est pas makrûh si dans la prière surérogatoire on lit depuis le début à partir Mushaf.

Peut-on prier de chez-soi en suivant un imam à travers la télévision ?

La prière en suivant un imam à distance à travers les différents moyens de communication tels que la télévision, la radio ou internet n’est pas valable. En effet, une telle prière pose de nombreux problèmes juridiques qui la rend invalide. Parmi les problèmes juridiques, on peut énoncer le retard dans la diffusion qui impose un décalage entre le suiveur et l’imam, la distance trop importante et l’abandon de plusieurs conditions de validité de la prière. L’avis de l’autorisation est un avis marginal et totalement délaissé des savants.

Récompense évoquée dans le hadîth

L’imam an-Nawawi affirme : “Quant à sa parole ﷺ “il lui sera pardonné ses péchés passés( غُفِرَ لَهُ مَا تَقَدَّمَ مِنْ ذَنْبِهِ ) , ce qui est connu chez les fuqahâ’ est que cela est spécifique aux petits péchés (as-saghâ’ir) et non auxpéchés majeurs (al-kabâ’ir). Certains d’entre eux ont dit : et il est possible que ses péchés majeurs soient allégés pour celui qui n’est pas tombé dans des péchés mineurs.


(1) Rapporté par al-Bukhari et Muslim
(2) Rapporté par Malik dans le Muwatta et Muslim
(3)  Rapporté par l’imam Malik dans al-Muwatta et al-Bukhari
(4) Rapporté par Abû Dawûd, at-Tirmidhi, an-Nasâ’i et Ibn Mâjah
(5) Rapporté par l’imam Ahmed
(6) Rapporté par al-Bukhâri et Muslim
(7) Avec la chaf’ et le witr.
(8) Ceci est mentionné par l’imam al-Kharachi dans son commentaire du mukhtasar de l’imam Khalîl qui affirme lui même que cela est mentionné par al-Bisâti dans son commentaire de la burdah. Certains ont attribués cet ajout à “Uthmân et d’autres à Mu‘awiyah.
(9) Cela suffit pour accomplir la recommandation, et c’est khilâf al-awlâ s’il connaît d’autres sourates ou que quelqu’un d’autres connaît le coran.


Article réalisé par Au Service de l’Islam – CC BY-NC-ND.