Question : “J’ai mangé par oubli durant le jeûne de Ramadan, dois-je le rattraper ?”

—  Réponse selon l’école Malikite  —

Réponse selon l’école Malikite :

Il est obligatoire dans votre cas de poursuivre votre jeûne sans l’interrompre car l’obligation de s’abstenir et de jeûner n’est pas levée. La rupture du jeûne étant involontaire, vous êtes exempté d’expiation (kaffara). Cependant, il faudra rattraper le jeûne une fois la période de Ramadan terminée.

En effet, les imams Ahmad, Ad-Dârimî, Al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwûd, Al-Tirmidhî, Ibn Mâjah , Ibn Jârûd, Al-Dâraqutnî, Al-Hâkim et Al-Bayhaqî ont rapporté d’après Abû Hurayra que le Prophète [ﷺ] a dit : « Celui qui a oublié qu’il jeûne et a mangé ou bu qu’il poursuive son jeûne car c’est Allah qui l’a nourri et abreuvé ».

L’imâm Mâlik a dit  : « Celui qui a mangé ou bu durant Ramadan par distraction ou oubli, ou durant n’importe quel jeûne qui lui est obligatoire, devra le rattraper lors d’une journée consacrée. ». Ceci est cité dans son Muwatta’, chapitre du jeûne, section au sujet de ce qui est parvenu concernant le rattrapage et les expiations.
Sahnûn a dit dans al-Mudawwana : « Vois-tu que celui qui a mangé, bu ou eu un rapport intime par oubli durant Ramadan doive rattraper cela dans ce qu’a dit Malik ? Il dit : Oui, et il n’y a pas d’expiation (kaffara) pour lui ».

Quelques arguments des malikites sur cela :


1-
Le hadith de Abû Hurayra vise à exempter le fait de prendre un péché mais ne signifie pas que le rattrapage n’est pas dû. Et il est établi dans la science des fondements du droit que le silence du Prophète [ﷺ] sur le statut d’une chose est une indication de son inexistence.

Abû AbdiLlah al-Tilimsânî 1 a dit : «  Et parmi ce qui s’ajoute à cela également parmi les indices concernant l’inexistence du statut (ici du rattrapage) le silence du Prophète [ﷺ] à son propos. S’il était légiféré alors il l’aurait mis en évidence. Et de cette manière, les Châfi`ites affirmant que celui qui a mangé durant ramadan par oubli n’a pas à le rattraper car il est  rapporté qu’un homme a dit au Prophète [ﷺ] :  » Ô messager d’Allah, j’ai mangé et bu par oubli alors que je jeûnais et il répondit “Allah t’a nourri et abreuvé” 2 « , ils ont dit (les Chafi`ites), si le rattrapage était obligatoire le Prophète [ﷺ] l’aurait mis en évidence… il dit ensuite «Et sache que parmi les conditions de cette argumentation figure le fait de prouver que le moment nécessite la mise en évidence [de l’obligation de rattraper], car le fait de retarder [le rattrapage] constituerait une désobéissance, et c’est pour cela que nous ne disons pas que l’obligation de rattraper ne tombe pas ».

Cette objection fut contestée par la narration du hadith « Celui qui a oublié qu’il jeûne et a mangé ou bu qu’il poursuive son jeûne car c’est Allah qui l’a nourri et abreuvé » contenant un ajout utile pour lever le rattrapage de celui qui rompt son jeûne par oubli, on le retrouve chez al-Dâraqutnî de la manière suivante : “ Il n’y a pas de qada’ (rattrapage) sur lui ni de kaffara (expiation)” 3. Il mentionna  par la suite qu’Ibn Marzûq s’est distingué en étant le seul à la rapporter. Al-Hâfidh le conforta dans “al-fath 4 : par le fait qu’Ibn Khuzayma le rapporta d’après Ibrahîm Ibn Mohammed al-Bâhilî, et par le fait qu’al-Hâkim le rapporta par la voie d’Abû Hâtim al-Râzî, tous les deux selon al-Ansârî. Ainsi, il est le seul à le rapporter comme l’a dit al-Bayhaqî et celui-ci est fiable (thiqa).

Et Mohammed Ibn Abdillâh al-Ansârî est fiable (thiqa) comme l’a dit al-Hâfidh mais il existe toutefois une opposition car les transmetteurs ne faisant pas mention de cet ajout visant à annuler le statut énoncé par les arguments cités précédemment sont plus fiables et plus nombreux. Ainsi, le fait de retenir cet ajout est contestable. C’est pour cela qu’Ibn al-`Arabî al-Mâlikî et Al-Qurtubî se sont abstenus de la retenir et ils sont des sommités incontestables dans l’authentification du hadîth.

2 Sahnûn rapporte dans la Mudawwana d’après Bishr Ibn Qays qui a dit : « Nous étions chez `Omar Ibn al-Khattab et il apporta du  “sawîq5, nous en avons mangé pensant que le soleil s’était couché puis le mouadhan annonça le coucher du soleil. `Omar dit “ Remplacez-le par un autre jour » .

3- L’analogie entre le pilier (rukn) de l’abstinence (al-imsâk) et le pilier de l’intention (al-niyya) durant le jeûne.
L’imam Al-Bâjî a dit : « Et l’argument concernant la véracité de ce que nous avons dit est que ce qui invalide le jeûne par son inexistence de façon volontaire l’invalide aussi par son absence de façon involontaire comme pour l’intention »6.

Le Qâdî `Abdelwahâb : « Tout acte faisant que le jeûne n’est pas valide par quelque chose de son genre volontairement, alors il n’est pas valable lorsqu’on l’oubli, la base de cela étant l’abandon de l’intention. »7
En effet, l’intention étant un pilier (rukn), son absence rend invalide le jeûne et il en va de même pour l’absence des autres piliers.

4Une autre analogie :
Ibn Rushd a dit : « Quant à l’analogie il s’agit de l’assimilation de l’oubli du jeûne à la prière. Ceux qui le comparent à celui qui oublie la prière considèrent qu’il est obligatoire de le rattraper tout comme cela est obligatoire par le texte pour celui qui oublie la prière. »8

5- « L’analogie du supérieur » (qiyâs al-awla) :
Le Qâdî `Abdelwahâb a dit : « Notre argument sur l’obligation de rattraper est qu’il est responsable (mukallaf) du fait de manger durant ramadan comme celui qui le fait volontairement. Il a consommé de la nourriture lors d’un jeûne individuel qui ne tombe pas pour cause de maladie comme c’est le cas pour le malade, et comme le rattrapage est obligatoire pour le malade malgré l’existence de l’incapacité supérieur de celui-ci comparé à celui qui oublie, alors il est forcé que ce soit obligatoire en priorité pour celui qui oublie. »9

6- Le jeûne et le fait de manger (al-iftâr) sont deux états opposés qui ne peuvent exister ensemble car lorsque l’abstinence (al-imsâk) n’existe pas alors qu’il est le pilier (rukn) fondamental, la réalité du jeûne n’existe pas, et il n’y a pas d’obéissance ou de conformité à l’ordre de s’abstenir.

Ibn al-`Arabî a dit : « Quant au rattrapage (qadâ’), il est obligatoire car la figuration du jeûne n’existe plus et sa réalité a disparu par le fait de manger. Et une chose ne peut subsister si sa substance ou réalité a disparue, tout comme le « hadath» annule l’état de pureté [obtenu après ablution] que cela survienne involontairement ou volontairement. Et ce fondement magistral ne peut être récusé par ce dont le sens apparent [des textes] accepte l’interprétation. »10.


1   Miftâh al-wusûl Bidâyat al-mujtahid
2   Rapporté par al-Bayhaqî dans al-Sunan al-Kubra (4/229)
3   Rapporté par al-Dâraqutnî dans ses Sunan (2/178)
4   4/156
5   Plat à base de farine de blé ou d’orge
6   Al-Muntaqâ
7   Al-Ichrâf
8   Bidâyat al-mujtahid
9   Al-Ichrâf 
10 Al-Qabas fî Charh Mouwattâ Mâlik Ibn Anas – voir également al-`ârida al-Uhûdhî


Article réalisé par Au Service de l’Islam © (inspiré en partie de « ahkâm al-fiqhiyya » – `Adnân Zouhâr)